Si les 189 sites d’écluse constituent la majeure partie des ouvrages d’art du canal, il ne faut pas oublier les ouvrages de franchissement et ceux liés à l’alimentation en eau. Quelques éléments remarquables se distinguent sur le linéaire, notamment le tunnel de Pouilly au niveau du bief de partage et les passages en tranchée.
Le bief de partage des eaux
Un tel ouvrage nécessite des infrastructures spécifiques. Un bief de partage situé à Pouilly-en-Auxois permet le franchissement de la ligne de partage des eaux des bassins de la Seine et du Rhône par tranchée et sous un tunnel d’environ trois kilomètres.
Le linéaire est ponctué par 189 sites d’écluse pour grimper environ 300 mètres de dénivelé sur le versant Yonne et 200 sur le versant Saône. Dans le département de la Côte-d’Or, des tranchées franchissent les parties difficiles (Buffon, le Creuzot). Le canal est alimenté par six réservoirs ainsi que par 30 réseaux hydrauliques composés de plusieurs ouvrages fonctionnant en interaction (aqueduc, vanne, déversoir, rigole, etc.). Le canal participe plus généralement d’une gestion de l’eau à l’échelle de l’ensemble du territoire. Il concourt à la régulation des rivières, pour une meilleure exploitation des débits, et au lissage des crues.
L’aspect actuel du canal est proche de celui qu’il avait à la fin du 19e siècle, la plupart des ouvrages (écluses, ponts) ayant été reconstruits lors du passage au gabarit Freycinet de 1879 à 1882. En outre, un ensemble très cohérent de maisons éclusières dont les modèles ont été choisis de la fin du 18e siècle jusqu’au premier quart du 19e siècle demeure. Cinq des réservoirs, bien que largement modifiés, témoignent également des techniques hydrauliques de la première moitié du 19e siècle.
L’alimentation en eau du canal a toujours été une préoccupation et s’organise grâce à des solutions originales. Réservoirs de grande capacité au bief de partage et multiples ouvrages pour alimenter les versants constituent l’une des principales particularités de cette voie
Le tunnel de Pouilly
C’est l’ouvrage phare du canal de Bourgogne, celui qui a suscité le plus d’études, avant, pendant et après sa construction. Il est vrai que ce tunnel de 3,3 kilomètres, percé sous la montagne, est une véritable prouesse technique pour ce début du 19e siècle.
Sur les 32 puits creusés pour l’extraction des terres et la descente des matériaux1, seuls 18 furent conservés pour l’aération du tunnel après sa mise en service. Il n’en subsiste aujourd’hui plus que 14, bien visibles de l’extérieur. Leurs margelles ont été exhaussées de 3 m pour favoriser la circulation de l’air après l’installation d’un système de touage à vapeur en 1867.
En 1823, l’ingénieur Charles Forey fixe le tracé du tunnel du bief de partage et définit son gabarit. A la suite des terrassements, les travaux principaux sont adjugés en 1827 à l’entrepreneur Guillemot, un ancien avocat qui ne visite le chantier que rarement, après en avoir confié la conduite à un ingénieur retraité. L’ensemble de l’ouvrage est achevé en 1831 sans banquettes de halage, ce qui rend difficile son franchissement. L’ingénieur Philibert Lacordaire, après avoir suivi cet important chantier avec son collègue Jean Bonnetat, rédige le certificat de réception définitive le 7 décembre 1832. La voûte fait l’objet de plusieurs réfections dans les années 1850 puis, en 1909, Louis Dolfini, de La Rochepot, restaure les piédroits, le radier et les têtes du tunnel d’après le projet dressé le 27 avril 1908 par l’ingénieur Hégly. Un projet du début du 20e siècle destiné à en augmenter le tirant d’air par exhaussement de la voûte ou abaissement du radier semble n’avoir jamais été réalisé.
Des expérimentations ont lieu pour faciliter le passage délicat du tunnel de Pouilly et pour améliorer la traction des bateaux sur le chemin de halage.
Le décret du 28 avril 1866 autorise la création aux frais de l’Etat d’un service de touage à vapeur au niveau du bief de partage. Il commence à fonctionner le 5 février 1867. Après de nombreux accidents, dont un mortel, il est remplacé par le touage électrique en 1892.
Par ailleurs, un décret du 18 janvier 1873 concède à M. Larmanjat l’établissement de la ligne du canal de Bourgogne : une voie ferrée le long de la voie d’eau pour le halage des bateaux au moyen de machines à vapeur. Des tests sont effectués les 23 et 24 juillet 1873. En 1877, la Société de halage à vapeur demande l’autorisation de placer un rail directeur au-dessus du souterrain. Aujourd’hui, ne subsiste plus aucune trace de ce système de halage. Par contre, un des toueurs est présenté dans une ancienne cale sur le port de Pouilly-en-Auxois. La halle moderne qui le protège est une œuvre de Shigeru Ban.
La tranchée du Creusot à Saint-Thibault
Les premières tranchées sont envisagées dès les projets proposés par l’ingénieur Abeille au début du 18e siècle et modifiés par Jean-Rodolphe Perronet dans les années 1770. Elles permettent d’abaisser le seuil de partage. Parties de linéaire creusées dans la montagne, elles sont destinées à diminuer le nombre d’écluses en abaissant la hauteur que doit franchir l’eau, surtout au bief de partage. Neuf passages en tranchée, tous situés en Côte-d’Or, sont construits pour faciliter la navigation, principalement sur le versant Yonne. Deux d’entre eux prolongent de chaque côté le souterrain du bief de partage à Pouilly. Quatre autres facilitent le passage des biefs 13, 14 et 15 du versant Yonne, vers Eguilly, et les trois derniers permettent de passer Montbard (biefs 64, 65 et 69 du versant Yonne). Des gares d’évitement y sont ménagées pour faciliter le croisement des bateaux.Celui du Creusot est creusé à partir de 1812 d’après le devis de l’ingénieur Charles Forey. Il comporte une partie en tranchée profonde dont les murs ont été achevés à partir de 1833. Adjugés à Claude Monniot, de Marey-sur-Tille, et Nicolas Garnier, de Is-sur-Tille, les travaux sont terminés après 1841 par Claude Leblanc, de Dijon. Deux gares d’évitement sont aménagées dans la tranchée à partir de 1846. La tranchée a été élargie à partir de 1878. « Les moellons de parement qui sont employés […] proviennent de la carrière dite de la Croisée, située sur la commune de Braux ». Les travaux seront achevés en 1881. L’élargissement de la tranchée pour permettre aux bateaux de se croiser a entraîné le remaniement complet des banquettes de halage. Car dans la tranchée du Creusot qui est rectiligne et longue de 1130 m, « les haleurs peuvent s’apercevoir d’un bout à l’autre et l’existence de 3 gares permet aux bateaux de se croiser sans retards bien notables »
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